MARIAGES DE DOUBLE NATIONALITÉ : juridiction compétente et loi applicable dans les divorces transfrontaliers

Le droit international privé traite des conflits de lois dans les affaires de nature internationale. En raison de la mondialisation croissante, de plus en plus de mariages et de partenariats ont lieu, impliquant différents pays et donc différents systèmes juridiques. Il est possible que plusieurs juridictions soient compétentes pour connaître de l’affaire, de même que plusieurs lois peuvent être applicables. Il y a donc un conflit de juridiction compétente et un conflit de lois.


Tout d’abord, il faut rappeler la primauté du droit international et du droit de l’Union européenne sur le droit national. En cas de conflit, les règles établies par les traités internationaux et la jurisprudence, ainsi que les lois nationales de chaque pays, seront appliquées pour déterminer le tribunal compétent et la loi applicable. À cet égard, divers facteurs établis par ces règles internationales doivent être pris en compte, tels que la résidence habituelle des parties, le lieu où le conflit a pris naissance, la localisation des biens en litige, entre autres.


Les crises matrimoniales transfrontalières se multiplient rapidement et posent des difficultés d’articulation. Il faut se tourner vers le droit international privé pour savoir quelle est la loi applicable : la loi de quel pays régira le divorce. Mais il faut aussi se tourner vers le droit international pour savoir quel(s) tribunal(s) de quel pays connaîtra le divorce.
Il arrive souvent qu’une même affaire doive être tranchée par des juridictions de différents pays, qui statueront sur des aspects différents ; ainsi, un juge d’un pays statuera sur la pension alimentaire, un autre sur le partage des biens du couple, un autre pays prononcera le divorce, etc.


À titre d’illustration, nous prendrons l’un des cas traités par le cabinet : un couple d’origine algérienne, ayant la double nationalité espagnole et algérienne, résidant en Espagne depuis près de 20 ans et ayant 4 enfants mineurs de nationalité espagnole, nés et élevés en Espagne.


Les procédures civiles relatives au divorce, à la responsabilité parentale et aux mesures de protection des enfants, se sont déroulées dans l’un des tribunaux pour les violences faites aux femmes de Barcelone, mais que se passerait-il si une procédure judiciaire était engagée parallèlement dans le pays de l’autre nationalité ? C’est exactement ce qui s’est passé dans cette affaire, puisque la partie adverse, après avoir entamé une procédure de divorce en Espagne, a déposé une injonction introductive en Algérie, demandant la dissolution de la relation conjugale et le droit de visiter les enfants.

Dans ce cas, c’est le règlement européen 2201/2003 (Bruxelles II Bis) qui s’applique concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.


Afin de connaître la COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE INTERNATIONALE du divorce, il est nécessaire de se référer à l’article 3 de ce corps juridique qui détermine : la compétence appartient aux juridictions de l’État membre : sur le territoire duquel : se trouve la résidence habituelle des époux (…). En suivant ce raisonnement, et le point de rattachement étant la résidence habituelle, et celle-ci se trouvant à Barcelone, seuls les tribunaux espagnols, et plus précisément ceux de Barcelone, sont compétents.

La compétence en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection de l’enfant est réglée par l’article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 : les autorités de l’État de résidence de l’enfant sont compétentes pour statuer sur les aliments, l’autorité parentale et la tutelle (mesures de protection de la personne et des biens de ce dernier). Dans notre espèce, les 4 enfants résidaient en Espagne depuis leur naissance, le tribunal compétent était donc le tribunal de Barcelone.

En ce qui concerne la LOI APPLICABLE au divorce, l’article 9.3 du code civil espagnol établit que le divorce est régi par la loi déterminée par l‘article 107 du même corps de loi, qui à son tour nous renvoie aux règles de l’Union européenne ou aux règles espagnoles de droit international privé.
Le règlement de l’Union européenne 1259/2010 (Rome III) prévoit dans son article 5 la possibilité d’un accord sur la loi applicable entre les parties, à condition qu’il s’agisse de l’une des lois nationales, du lieu de résidence habituelle des deux époux ou de l’un d’eux ou de la loi du for (loi de la juridiction saisie de l’affaire). À défaut de choix par les parties, c’est l‘article 8 qui indique que la loi applicable est celle du pays où les époux ont leur résidence habituelle au moment où l’action est intentée.
La loi espagnole serait applicable puisque la résidence principale se trouve en Espagne et que le tribunal espagnol a été le premier à connaître de l’affaire (loi forale). Si les conjoints avaient convenu d’appliquer la loi algérienne, car il s’agit de leur loi nationale à tous les deux, elle aurait pu être appliquée, mais dans notre cas, le mari a introduit une demande en Algérie de manière totalement unilatérale, de sorte que l’article 8 est appliqué à titre subsidiaire, les deux parties n’étant pas parvenues à un accord. Par conséquent, le facteur qui détermine la loi applicable est à nouveau la résidence habituelle, c’est-à-dire la loi espagnole.

Enfin, en ce qui concerne la responsabilité parentale et les mesures de protection de l’enfant, l’article 9.6 du code civil espagnol dispose que la loi applicable est celle déterminée conformément à l’article 15 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996. Ce qui renvoie, toujours dans notre cas, à la loi espagnole.

Il est important de garder à l’esprit que, dans les cas de divorce international, l’application des règles est plus complexe et dépend des circonstances de chaque cas. Il est donc conseillé de demander l’avis d’un avocat spécialisé en droit international de la famille afin d’obtenir des informations précises et actualisées sur le droit applicable et la compétence du tribunal dans votre cas particulier.

Veuillez trouver ci-dessous des articles de droit international de la famille qui pourraient vous intéresser:

https://bozarucosa.com/blog/an-international-view-of-matrimonial-law/

https://bozarucosa.com/blog/international-jurisdiction-marriages-parental-responsibility-and-maintenance/

https://bozarucosa.com/blog/competence-internationale-mariage-responsabilite-parentale-et-aliments/

https://bozarucosa.com/blog/divorcio-internacional-entre-dos-conyuges-venezolanos-con-un-hijo-menor-venezolano-espanol-todos-ellos-con-residencia-en-espana/

https://bozarucosa.com/blog/matrimonios-con-elemento-internacional-reglamento-bruselas-ii-ter/

https://bozarucosa.com/blog/international-marriage-european-council-regulation-brusells-ii-ter/

15

Sin comentarios

Mostrar todos los comentarios

Complete el formulario