NOUVELLE LOI DE SOUTIEN AUX PERSONNES HANDICAPÉES
ADIEU À L’INCAPACITÉ, BONJOUR AUX MESURES DE SOUTIEN
OBLIGATION D’ADAPTER LES DÉCISIONS D’INCAPACITÉ JURIDIQUE À LA NOUVELLE LOI
Le 3 septembre 2021, est entrée en vigueur une nouvelle loi (Loi 8/2021 du 2 juin), réformant la législation civile et le droit procédural relatifs au soutien apporté aux personnes handicapées dans l’exercice de leur capacité juridique. Cette loi est particulièrement importante, puisqu’elle modifie le traitement juridique des personnes frappées d’incapacité, qui représentent un pourcentage très élevé de la population. À mon sens, et au vu du nombre conséquent des personnes concernées, cette loi ne fait assurément pas l’objet de suffisament de publicité.
Jusqu’à présent, dans les cas où une personne souffrait d’une maladie physique, mentale ou sensorielle qui altérait sa capacité à être maître de sa personne ou de ses biens, il était d’usage de faire une demande de mise sous protection juridique, par laquelle elle devenait totalement ou partiellement privée de sa capacité d’agir. Cette mise sous protection judiciaire impliquait qu’une autre personne (tuteur, curateur ou mandataire spécial) la représentait dans ses prises de décisions et veillait sur ses droits et obligations.
La nouvelle Loi 8/2021, déjà en vigueur, se fonde sur le principe que, étant inhérente à la personne, la capacité juridique ne peut être modifiée. Ainsi, le concept d’incapacité juridique disparaît, au même titre que ceux de tutelle, d’extension ou réhabilitation de l’autorité parentale (dans le cas où l’enfant incapable atteint l’âge de la majorité et que l’autorité parentale perdure du fait de son handicap) et de prodigalité.
La nouvelle formulation du Code Civil se fonde sur le principe que la personne handicapée ne pourra plus être frappée d’incapacité juridique (elle conserve sa capacité), mais que des mesures d’accompagnement, respectueuses de sa volonté et de ses préférences, seront mises en place à son égard. Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’elle sera représentée par un tuteur dans ses prises de décisions.
De plus, la nouvelle réglementation maintient et renforce l’adoption de mesures de soutien volontaires.
Que cela signifie-t-il ? Cela signifie que la préférence sera donnée aux mesures que la personne handicapée a elle-même conçues ou exprimées. Cela renforce la figure du tuteur de fait (normalement un parent), lequel est responsable de la personne handicapée et l’aide au quotidien sans qu’une décision de justice ou qu’une procuration lui confère officiellement ce rôle. Toutefois, compte tenu des problèmes pratiques que ce tuteur peut rencontrer (avec les banques, les achats et ventes, l’acceptation d’un héritage, la signature de contrats ….), la préférence est donnée aux systèmes de soutien établis par la personne handicapée elle-même. Il est fait référence, en particulier, aux mandats de protection future, aux procurations, ainsi qu’à la possibilité d’établir une auto-tutelle. Beaucoup d’entre nous sont étrangers à ces concepts, mais il serait nécessaire de généraliser leur utilisation et de nous y habituer. Il s’agit pour l’intéressé, handicapé ou non, de prévoir la nature des mesures d’accompagnement dont il pourrait avoir besoin à l’avenir, la manière dont elles seront exercées, et la personne qui l’aidera (voire le représentera au cas où il serait totalement incapable d’exprimer sa volonté ou que sa volonté soit gravement affectée).
Cette prévision n’est pas seulement conseillée aux personnes qui ont été diagnostiquées avec une maladie pouvant altérer leurs capacités cognitives, mais à tout le monde. Nous ne pouvons ignorer le fait que, dans une population dont l’espérance de vie est de plus en plus élevée et dans un pays vieillissant comme l’Espagne, nous pouvons tous être sujet à une détérioration cognitive qui, à l’avenir, peut être susceptible d’affecter notre vie quotidienne. Il est donc vivement conseillé de décider de ce type de prévisions, au même titre qu’il serait conseillé de rédiger un testament.
Dans les cas où il n’existe aucune prévision ni mesure volontaire, il est possible d’intenter une action en justice. Cette procédure également a été modifiée, dans l’optique de faciliter et d’accélérer le processus. Comme souligné au début, la personne handicapée ne sera plus déclarée incapable, mais elle fera l’objet de mesures de soutien; et à titre exceptionnel, de mesures de soutien et de représentation, lesquelles seront confiées à un curateur (il remplacera la personne handicapée dans la prise de décision). À ce titre, la loi stipule que ces mesures de soutien judiciaire pourront être régulièrement révisées, au maximum tous les trois ans; période qui exceptionnellement pourra être étendue à 6 ans.
Tout cela devra être largement spécifié dans le jugement qui décide des mesures de soutien judiciaire, dont la rédaction, claire et inclusive, facilitera la compréhension du contenu de ces mesures par la personne concernée.
Toutefois, comment cette loi affecte-t-elle les personnes qui font déjà l’objet de mesures de protection juridique ?
La nouvelle loi prévoit expressément que toute privation de droits ou d’exercice de la capacité juridique des personnes handicapées sera dorénavant sans effet. Elle établit également un régime transitoire pour les figures juridiques qui disparaissent (tuteurs, curateurs, …) ainsi qu’une obligation de revoir toutes les décisions dans lesquelles des incapacités juridiques ou des mesures non compatibles avec la nouvelle loi ont été adoptées. Cette révision, qui doit être effectuée dans un délai d’un an, peut être demandée par l’intéressé lui-même ou par ceux qui en ont été nommés les tuteurs, curateurs, mandataires spéciaux. Si ces derniers n’en font pas la demande, cette révision sera déclenchée d’office ou à la demande du ministère public, dans un délai maximum de trois ans.
Ces formalités judiciaires et administratives vont accroître l’effondrement déjà existant du système judiciaire espagnol qui, depuis un an et demi, est gravement mis à mal par la crise sanitaire de la COVID-19. Par conséquent, sans un investissement budgétaire plus que significatif, dont je doute qu’il se produira un jour, cette modification n’aura d’autre effet que d’amplifier les failles de notre système judiciaire et de générer des retards dans les procédures. Ces nouvelles dispositions sont donc loin d’être favorables aux personnes nécessitant ce soutien judiciaire.
De plus, il convient d’insister sur le fait que cette loi, bien que pleine de bonnes intentions, semble principalement se concentrer sur les personnes dont le handicap leur permet tout de même un haut degré d’autonomie. Or, nous ne pouvons ignorer que nombreux sont les cas où le degré de dépendance et d’invalidité de certaines personnes est très élevé. Avec l’entrée en vigueur de ce nouveau règlement, ces personnes ainsi que leur famille se verront donc d’autant plus démunies. En outre, le nouveau règlement peut être à l’origine d’un grand nombre de problèmes si les personnes handicapées et leur entourage (généralement leurs parents) ne sont pas conscients de l’implication dont elles doivent dorénavant faire preuve et de la nécessité de revoir toutes les déclarations d’incapacité émises jusqu’à présent. C’est pourquoi il est particulièrement important d’être conseillé sur le plan juridique, afin, d’une part de mieux comprendre et adapter les mesures de protection déjà existantes à la réglementation actuelle; et afin, d’autre part, de prévoir des mesures de soutien pour l’avenir, et ainsi potentiellement épargner notre cercle social et familial de nombreux problèmes.
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